samedi 29 décembre 2012

Anima de Wajdi Mouawad aux éditions Léméac Actes Sud pour la France

Il y a des livres qu'on achète sans savoir, juste à cause d'une voix, d'un mot, peut-être aussi parce qu'Incendie était au programme d'une classe de prépa lettre. Quand Wahhch découvre sa femme assassinée, on est pris dans ce"vomissement rauque", la plainte universelle de la douleur d'être homme. Les animaux observent comme des caméras invisibles , perçoivent intimement la souffrance qu'il transporte et se font rapporteur de son errance, sans interpréter jamais, juste empathiques. Du "Félis Sylvestris Catus Carthusianorum" en passant par la "Teganaria Domestica" et "Oncorhynchus Mykiss", ces petites et grosses bêtes témoignent en courts chapitres auxquels elles donnent leur nom. Il veut voir le visage du meurtrier, comme pour se prouver qu'il existe et que ce n'est pas lui qui a tué Léonie. Le livre monte en puissance lorsqu'il pénètre dans les réserves indiennes où se cache celui qu'il cherche. Le crime est répété reproduit comme s'il jetait des indices dans quelque chose que Wahhch devait comprendre. Pourquoi suit-il cette piste? Tous les rapports d'autopsie ne donneront jamais la profondeur de la blessure infligée, la dimension de l'horreur de celui qui voit, la fascination muette des témoins qui commettent aussi le crime tant le geste se grave dans la chair. Le livre bouleverse comme une tempête et l'on assiste impuissant à des violences humaines dans une escalade effrayante. Un molosse s'attachera aux pas de Wahhch comme pour donner forme à la sauvagerie qu'aucune tendresse, amour, beauté, ou même un Dieu ne pourront enrayer. Haletant comme un thriller, il laisse pantelant de chagrin et convaincu que l'homme est impardonnable et fondamentalement seul.
p102 :"Les humains sont seuls. Malgré la pluie, malgré les animaux, malgré les fleuves et les arbres et le ciel et malgré le feu."
Déchirant, sensuel et violent mais à lire parce qu'il touche, va loin et révèle la face cachée de nous quand la chair est un cri où la raison est morte.

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